mardi 1 novembre 2011

Vers une vie d'adulte

Fiançailles de JE et Gigi, décembre 1962.
Avant de terminer tes études universitaires, tu te fiances. Vous vous êtes fiancés quand, Gigi et toi?

Dans le temps de fêtes, en décembre 1962 (*).

Quand vous décidez de vous fiancer, tu as 22 ans, Gisèle en a 18.

Oui, elle a eu 19 ans au mois d’avril suivant. On s’était fiancé Gisèle et moi aux fêtes pendant cette année-là, et on avait dit qu’on se marierait pendant l’été. Monsieur Paré, qui avait ramassé le salaire à Gisèle – au-dessus de 3000$ pendant son année -, qu’on se marie, ça lui plaisait pas pantoute. Il y avait maman, qui était dépressive, qui voulait garder son petit garçon parti à 14 ans et là, il disait qu’il allait se marier. Ça a été un été passablement houleux. Monsieur Paré, quand on en avait vraiment parlé, puis qu’il avait dit qu’il était contre, je lui avais dit que je m’arrangerais pour lui faire un bébé et qu’il serait bien obligé de dire oui. Du côté de maman, ça s’est pas calmé, mais je lui disais d’arrêter de s’en faire, qu’elle m’arrêterait pas.
Quand j’ai été en vacances, j’ai eu 23 ans au mois d’août, on s’était marié le premier juillet, et on avait organisé le loyer en haut, l’ameublement. J’ai négocié l’ameublement à deux places. Il venait d’ouvrir Cadorama. Il y avait là puis chez Gagnon Frères Meubles. J’ai négocié avec l’un puis avec l’autre. J’ai été choisir des meubles aux deux places, c’était pratiquement identique, puis j’ai négocié. Cadorama m’a dit qu’il était plus capable de baisser, mais Leclerc chez Gagnon Frères meubles, il m’a baissé encore un petit peu, en me disant qu’il faisait pas d’argent avec moi.
Les maisons de la rue Paradis, en 2011. À gauche, celle où JE
et Gigi se sont rencontré, à droite, celle où ils allaient
emménager après leur mariage en juillet 1963.
Pendant l’été, ça a été les noces, la peinture du loyer, l’organisation du loyer, de façon à ce que je premier juillet, il était prêt.
Le 29 juin, on était allé aux noces de Claude Morin, le premier juillet, c’était nous autres. Et le 2 juillet, on est parti les deux couples, avec chacun notre auto pour notre voyage de noces, au même endroit.

Tout une panoplie de souvenirs que nous allons explorer dans notre prochaine série d'entretiens.
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[13 octobre 2011]
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(*) Note: Suite à une discussion subséquente avec Gigi et JE, il s'est avéré que JE faisais erreur en mentionnant les fiançailles en décembre; le couple s'est plutôt fiancé le 15 avril 1963, après avoir pris cette décision en décembre 62.
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Les années d'université (2)

L’appartement que vous aviez réservé avec Denis Paradis pour septembre, c’était où?

Directement où se trouve maintenant le Motel Universel. C’était un petit motel miteux qu’il y avait là, et juste à côté, il y avait une maison qui appartenait à une madame qui était veuve. On s’est retrouvé là, Clermont, Denis et moi. Et l’autre trois et demi qui avait au-dessus de nous autres, il y avait Benoit Bouchard, Bruno Boivin et Bernard Lapierre. On était six du séminaire. Eux autres, ils se payaient le luxe d’avoir le téléphone, mais nous autres, on se payait pas le luxe d’avoir le téléphone.

JE, début des années 60
Ta session intensive s’est faite sur le boulevard de l’entente. Ta session de septembre, c’était sur le nouveau campus?

On était sur le nouveau campus. Excepté que j’avais de la chimie, et on allait encore à l’école de chimie sur le boulevard de l’entente pour faire des laboratoires. Les laboratoires avaient pas encore été transportés. Les labs de chimie et de physique, jusqu’aux fêtes. Après les fêtes, c’était transporté [sur le nouveau campus].

Tes cours étaient donc dans les pavillons Vachon et Pouliot.

Presque tous dans le pavillon Pouliot, ils étaient quasiment pas dans l’autre, un ou deux, pas plus.

Tu as connu Gigi à l’été 60, tu as fait ta dernière année à Chicoutimi, puis ta session d’été, puis tu repars pour l’année. Pendant ton année, tu descends de temps de temps?

Toutes les semaines. Excepté quand il y a une grosse tempête. Une fois aussi, je voulais m’en revenir le dimanche soir et j’ai été obligé de revirer de bord, il faisait trop mauvais. J’étais reparti le lendemain matin à Québec. Chaque fois que j’arrivais… j’étais pas chanceux, cette année-là, il y avait eu beaucoup de neige. Moi, évidemment, il fallait que j’arrange mon entrée. De la neige, il y en avait. J’étais obligé de garocher mon auto, quand j’arrivais tard, assez loin, pour ne pas qu’il lui arrive de malheur. Après ça, t’allais te coucher et le lendemain, quand tu avais fini tes cours et que tu revenais, c’était la pelle, une couple d’heure. J’avais mon auto et ça faisait bien. Quand on allait faire le marché, ça faisait bien. Il est venu un temps où ils me disaient ce qu’ils voulaient et j’y allais tout seul.
JE, juin 1960
J’allais pas chez Jato, qui était un gros marché dans le temps. J’allais chez l’autre, parce que le boucher était le frère de notre propriétaire. Ça faisait bien parce que je pouvais avoir des morceaux de viande choisis qui coûtaient pas trop cher. Chaque semaine, on achetait un rosbif, chaque semaine, j’apportais un poulet de chez nous, j’achetais du steak haché, j’avais souvent un rôti de porc en même temps que le poulet. On avait du manger pour la semaine. Je cuisinais le soir et comme le midi, on n’avait pas trop de temps, si on avait un poulet, on pouvait se désosser un morceau, c’est plus rapide et tu pouvais bien manger quand même. Les patates, il y quelqu’un qui passait pour vendre des patates et on achetait à la poche, parce qu’on avait un endroit frais et que comme ça, on n’avait pas besoin d’acheter de patates pendant un bout de temps.

Ça se passait comment les cours pendant ces deux années d’université?

Pendant la première année, l’université avait grossi, c’était les nouveaux pavillons. Il y avait à peu près 1500 étudiants en sciences [avant] et tu montais à pas loin de 3000. Ils ont donc repêché des professeurs un peu partout. J’ai eu un professeur qui m’a donné un cours de chimie pour qui l’ion d’iode négatif c’était le iod ion minus, parce qu’il parlait pas beaucoup français, il était d’origine allemande. J’avais un autre prof, qui était allé une année à Toronto et une à Montréal, pis ça avait pas toffé. Je l’avais comme prof, il était le fun par ses belles comparaisons. C’était le cours sur les intégrales doubles et triples. Excepté qu’il nous montrait comment faire les intégrales, mais qu’à l’examen, t’avais des problèmes écrits, et t’avais pas appris à poser le problème, et à monter tes intégrales. Si tu réussissais pas à trouver le truc – et en intégrales doubles et triples, c’est pas évident à poser – c’était assez compliqué. J’étais allé le voir et je lui avait dit qu’on jurerait que nous n’aurions jamais dû soupçonner l’existence de la question. Il a dit que c’était ça. On en a eu un autre, il avait un fascicule que ses anciens étudiants avaient écrit. Lui il nous faisait un cours, il s’appelait monsieur Rotberger. puis quand il nous faisait son cours, il parlait de quelque chose, comme les matrices, puis être [tout à coup] en train de parler d’autre chose, d’un autre sujet. Mais avec son livre c’était commode, tu fouillais et tu voyais où il était rendu. Arrivé à l’examen, tu n’étais pas perdu, il posait des questions dans ce qu’il avait dit. Comment il faisait pour se démêler, je sais pas. En plein hiver, il arrivait en coat d’habit et en souliers. On lui avait demandé pourquoi l’hiver il restait en souliers, qu’il mettait pas de bottes. « Quand on nait, on est nu pied, on met des bas pour protéger nos pieds et des souliers pour protéger nos bas. À un moment donné, il faut arrêter d’en mettre pour protéger ». J’ai aussi eu Pouliot. Adrien Pouliot. Le pavillon.

A ce moment-là, le pavillon, il s’appelait pas Pouliot, j’imagine?

JE, début des années 60.
Oui, ils l’ont appelé Pouliot pendant qu’il était là. C’était un bonhomme assez curieux. Il avait fait un cours, un doctorat, mais pas en mathématiques. Puis il a décidé que c’était le fun les mathématiques, et il a étudié les mathématiques. Il était pas mal particulier. Il te donnait un paquet de notes et débitait son affaire, et il partait enseigner à un autre niveau. Moi j’étais en deuxième et il donnait aussi des cours en troisième. Pendant la session, il donnait ton cours et disait que la semaine prochaine, il y avait avoir un examen. Il donnait les cours en troisième année, puis à son bureau, il préparait son questionnaire pour nous autre avec ce qu’il avait dit en troisième année. Avant de nous donner le questionnaire, il se rendait compte qu’il l’avait fait sur la troisième année. Il nous donnait une heure de cours, sur ce qu’ils avaient appris, et tu faisais ton examen, mais 80% de ce qu’il y avait dans l’examen, tu n’en avais pas entendu parler à part l’heure d’avant. Va donc répondre. Ça s’appelait Analyse mathématiques. J’ai suivi son cours et je l’ai bloqué. Je l’ai repris quand j’ai eu fini. Quand j’ai eu fini, il me manquait des cours, j’avais eu quelques échecs. Comme dans le cours de mon bonhomme de tantôt, avec ses questions qu’on aurait pas dû connaître l’existence. Une fois rendu à Roberval, j’avais ma job, ils me payaient sur 17 ans de scolarité au lieu de 18, et pendant deux ans, j’ai complété les cours qui avaient été manqués.

Pendant ces deux ans là, tu as donc fait quoi comme cours?

J’ai fait deux certificats en mathématiques, j’ai laissé la chimie. Avec mes chimistes que j’avais pogné au début, j’ai mis ça de côté. J’ai pris deux certificats en mathématiques et un en physique. C’était une licence en enseignement mais il n’y avait pas de psychopédagogie pantoute là-dedans.

Tu faisais juste des cours de sciences?

Oui. Tandis qu’en lettres, comme Benoit Bouchard qui était allé en lettres, il avait suivi en même temps la psychopédagogie. C’est plus tard que je suis allé chercher le certificat en psychopédagogie.

À part les six amis du séminaire, tu te souviens d’autres copains, à l’université?

Il y avait Robert Savard, qui était tout le temps avec moi, même à l’occasion d’une reprise d’un cours qu’il avait échoué aussi. Il y a eu aussi la reprise avec Pouliot. Je l’ai repris à ma deuxième année de travail. Quand je suis allé faire l’examen, j’étais convaincu que je l’avais pas réussi. J’avais quelqu’un que j’avais vu au début de l’année. J’étais allé voir un étudiant et lui avait demandé de corresponde avec moi, qu’il me donne son numéro de téléphone, pour que je sache où j’en étais. Je faisais le cours à distance. Je voulais savoir qu’est-ce qui en était, et savoir mes notes, qui étaient affichés tout court. Quand j’ai passé cet examen-là, j’étais convaincu, pour une fois, je savais que j’avais mal répondu. J’étais bloqué. Je reçois pas de nouvelles de mon gars, alors je l’appelle. Il me dit qu’il était allé voir et que mon nom était pas là, donc que j’avais pas d’échec, j’étais passé. J’ai averti le monde qui était au séminaire [des pères maristes], que je prenais congé le lendemain. Je pars. Pris mon char, je suis filé à l’université pour voir si mon nom était là. Il était passé, donc j’avais tout fini. Je suis reparti, j’ai fait le voyage aller-retour Roberval-Québec pour aller voir sur la liste pour être sûr.

Tu te souviens-tu de qui c’était ce collègue d’études-là?

Prémont. André Prémont. Lui a fait son cours en mathématiques, puis après, il a fait de l’actuariat. S’il n’était pas actuaire, il avait étudié là-dedans. Quand j’ai repris l’autre cours de mathématiques, le professeur avait écrit un livre. Ça marchait bien parce que c’était l’abbé Savard qui m’envoyait régulièrement le contenu du cours. Excepté que toutes les notes que j’avais finissaient à une place mais le cours allait plus loin. J’avais tout le temps des bonnes notes et à un moment donné, j’ai un examen, j’ai une misère du diable. J’ai des mauvaises notes. Je suis parti de Roberval et je suis allé voir le prof, j’ai demandé pour faire une reprise. Il a dit qu’il n’y avait pas de problèmes. Je lui ai expliqué que j’avais pas su que ça allait plus loin. C’était juste le fait de l’étudier. J’en ai eu un autre que j’avais repris. J’avais étudié come il faut, mais j’avais sauté un bout. Tel que je le connaissais, il allait pas me le demander. C’est comme ça, quand t’es loin, de faire une reprise, c’est pas toujours évident non plus. Il y avait des modifications, c’était pas les mêmes profs, excepté Pouliot. C’est beau de dire que tu reçois des affaires, un des deux cours, l’abbé Savard l’avait déjà fait, alors je ne recevais même pas les notes. C’était pas toujours évident.
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[13 octobre 2011]

Les années d'université (1)

En 1961, au moment de terminer le séminaire, tu as ton bacc ès arts. Ta décision de poursuivre vers l’université avait été prise longtemps à l’avance? Tu n’as jamais pensé d’arrêter après le cours classique?

Non, absolument pas. C’était décidé de continuer d’aussi loin qu’on pouvait décider que quand j’aurais fini au séminaire, c’était l’université.

Et pour le programme?

Mes deux amis allaient en médecine. Moi, avec mes notes de sciences, je pouvais aller en n’importe quoi. Mais pendant que j’étais pensionnaire, c’est arrivé plusieurs fois où j’ai eu à dépanner des copains avant les examens, que ça soit en Versification, Rhétorique, Philo I ou Philo II. Il y en avait toujours deux ou trois qui venaient me voir pour les aider, parce qu’ils avaient de la misère. Ça m’est arrivé plusieurs fois. Quand j’étais à l’étude [dans la salle d’étude], à partir de Rhétorique, surtout vers la fin de l’année, j’étais assis en arrière et les curés qui gardaient l’étude, quand il y avait un de mes confrères qui voulait venir me poser une question en mathématiques, ils autorisaient pour que je puisse répondre pendant l’étude. Ça a toujours été de même les mathématiques pour moi. Ça m’a permis de me dire que je pourrais aller prendre ma licence d’enseignement en mathématique, physique et chimie. Je me suis donc inscrit pour ça. Une licence d’enseignement, ça te prenait trois certificats. J’étais inscrit en chimie, physique et mathématiques. Comme j’avais des bonnes notes en chimie et qu’on en avait vu beaucoup, et que j’avais des bonnes notes en physique et qu’on en avait vu beaucoup, ce que j’avais besoin c’était surtout d’avancer plus vite les mathématiques.

L’université, ça ne devait pas être gratuit.

Non, mais ça coûtait pas tellement cher. C’était le fait de pensionner qui était le pire. C’était pas si cher que ça pour les cours. Tout ce que j’avais gagné comme étudiant, je le gardais. La seule chose que je m’étais acheté, c’était une petite machine à écrire. Pendant toutes mes jobs d’été que j’avais fait… Et les années où j’avais pas de travail, j’avais conduit le camion.

Avais-tu assez d’argent pour financer ton université?

JE, début des années 60.
Pour aider, en tout cas. J’avais financé mon cours d’été, et comme papa travaillait, il essayait de m’aider. Ça ne me coutait rien pour voyager, je m’arrangeais comme je pouvais. La chambre ne coûtait pas trop cher, ils ne me nourrissaient pas. Je me nourrissais à la cafétéria, tu choisi ce que tu veux, tu peux bien manger sans que ça coûte cher. Ça ressemblait à ça. J’avais fait une demande, pour faire le cour pendant l’été, et j’étais accepté donc [quelques mois avant], je suis parti avec Denis Paradis, avec l’autorisation du séminaire, à Québec. On a fait de l’auto stop. On est allé voir et on a réservé notre petit loyer pour septembre. En même temps, j’étais allé voir pour l’été, parce que je savais que j’allais aller sur le Boulevard de l’entente pour avoir un loyer, une chambre pendant l’été. Quand j’étais allé là, sur le Boulevard de l’entente, je peux pas dire comment ça se fait, mais je pense que c’est juste un heureux hasard. Là où j’ai été voir, il y avait un ancien du séminaire qui étudiait maintenant à Laval pendant l’année, qui pensionnait là. Il y avait une madame, une vieille madame, et deux vieilles filles. Elles prenaient un pensionnaire et pendant l’été, c’était libre. C’était juste en face de la faculté où j’allais étudier. Je me suis présenté et elles ont dit ok. J’avais pas de repas là, mais à l’université, il y avait une cafétéria, tu pouvais aller diner et souper là, alors c’était pas compliqué. Et c’était sur le boulevard de l’entente.

C’était pas sur le campus actuel de l’université Laval?

Non, ils était en train de le bâtir, la faculté des sciences sur le campus, c’était pas fini, même quand on est entré là [en septembre] et qu’on a eu des cours là. Pendant cet été-là, c’était 6 semaines. Pendant 6 semaines, j’ai suivi 4h de cours de mathématiques par jour. Ils donnaient deux autres heures de dépannage si t’as besoin. Puis le samedi matin, t’as un examen de trois heures, sur la semaine. Ça c’était comme ça. Mon ancien prof de math de Philo I, l’abbé Robert Savard, qui a laissé [la prêtrise] et s’est marié aussi, lui, comme il n’avait pas sa licence et qu’il donnait des cours au séminaire, il est venu à Québec, pour suivre les cours en même temps que moi. On avait les mêmes cours en même temps pendant l’été et aussi pendant les années d’après, on suivait pas mal les mêmes cours. Lui, il avait son auto. Il demeurait pas loin des centres d’achats, il avait une chambre chez les pères. Les pères du Sacré-Cœur, je pense que c’était. De temps en temps, j’allais étudier là avec lui, souvent on étudiait sur la galerie, quand il faisait beau. Le samedi après l’examen, on partait, et il me laissait à la barrière, pour que je me trouve un pouce pour me rendre. Lui allait à Chicoutimi, et moi, ça m’avançait pas, moi c’était pour prendre le petit parc pour me rendre à Roberval. Le petit parc, ça faisait assez longtemps qu’il était asphalté et correct. Je me dirigeais vers Roberval, je faisais du pouce pour me rendre. Évidemment, je m’en retournais soit par autobus, sur le pouce, ou une occasion. Ça a pas été une éternité, ça a été six semaines.
Nenine, Aline Morin (née Martel), vers 1961.
J’ai fini le 11 août, mes cours. Ma fête c’était le 9, j’ai eu 21 ans. J’étais allé m’acheter des petites bananes, des bonbons petites bananes, et deux petites bières. J’étais allé à ma pension et le soir, mes études étaient faites et j’avais mangé mes petites bananes au complet avec mes deux petites bières, j’avais failli être malade. Le lendemain, j’avais encore quelques cours et après ça, le samedi matin, c’était la finale de ça. Pendant la semaine, que j’avais 21 ans, j’avais envoyé une lettre à Nenine [Aline]. Je lui avais demandé pour mes 21 ans si je pourrais me faire payer une petite auto. Pas trop cher, mais une petite auto. Comme elle était toujours maladroite, elle avait fait lire la lettre par ma tante Lucienne qui était là. Ça tombait mal, mais c’est pas grave. Pendant le reste de l’été, j’ai négocié et j’ai eu une petite Vauxhall. 1963 piastres.

Une auto de l’année?

Oui, toute neuve. Une 1961. Achetée chez ce qui est aujourd’hui Roberval Pontiac Buick, mais ça s’appelait pas de même.

Donc, cette année intensive en été, c’était juste des mathématiques?

Il y avait eu 5 semaines de mathématiques, et une semaine de dessin industriel. La dernière semaine, on pouvait faire nos affaires pour s’avancer. Une journée, on en a fait 3h l’avant-midi, 3h l’après-midi et 3h le soir. T’es tanné de dessiner. On avait pas d’examen final le samedi matin. On avait fini le vendredi soir. Avec l’abbé Savard, on partait le samedi matin.

JE, en juin 1960.
Tu finis le 11 août et en septembre, tu commences ton année régulière. Entre temps…

J’ai mon auto, et j’ai toujours ma blonde.

La Vauxall, tu l’as gardé longtemps?

Non. En 1962, j’avais ma Vauxhall 61 mais quand je suis venu pour mes derniers examens en été, j’avais droit à une reprise, en été. J’étais venu avec papa et maman et on s’était retourné à Roberval après mes examens, et quand on est arrivé dans la ville de Roberval, il y avait eu un feu quelque part et Christian Leclerc, qui était le bedeau à St-Jean de Brébeuf, il était parti avec son auto pour aller voir ce qu’il y avait comme problème. À l’endroit où ils vendaient de l’essence – le concessionnaire, je pense que c’était Benoit Levesque qui l’avait dans ce temps-là - il a rentré là puis il m’a coupé le chemin. Je l’ai frappé il était rendu dans l’entrée, il ne m’avait pas vu, il se dépêchait. Mon auto a été brisée là. Je dépressionnais un peu. Faire réparer ça, c’était pas évident. Et je voyageais à Québec. À un moment donné, Nenine a dit d’aller m’informer pour faire un échange pour en racheter une neuve. J’avais acheté ma Comet. J’avais payé 960$ de retour. Une Comet 1962.
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[13 octobre 2011]

Les emplois au début des années 60

En 1960, l'été de ta rencontre avec Gigi, entre tes deux dernières années de séminaire, tu travaillais?

Wilfrid au travail pour Atlas.
Dans mes emplois d’été, j’ai travaillé sans être employé. J’ai travaillé avec mon père, quand il travaillait lui, sur des bulldozer. Pour la compagnie Atlas. Au début, il faisait la route Chambord-Desbien. Ils étaient deux, justement René Dufour, et mon père. Ils avaient deux bulldozer et un grader à fossé. René Dufour attelait le grader à fossé à son bulldozer. C’était un coin qui était difficile, parce que c’était comme ils disaient, une swamp, c’était très marécageux. Résultat, il restait pris, le bulldozer avec le grader. Ça prenait donc l’autre bulldozer pour le sortir de là. Comme ils n’avaient alors pas de conducteur, j’avais appris à conduire le bull. Quand ils étaient mal pris, ils me faisaient signe, et je m’en allais à une place où c’était solide, pas trop loin, on déroulait le câble d’acier, comme ils disaient: la winch, en arrière, et on l’accrochait après l’autre et j’avais la job de les trainer. Évidemment, une fois, un surintendant était passé .Un monsieur Jolicoeur, qui était surintendant. Un grand bonhomme qui devait mesurer 6 pieds ou 6 pieds 2, bien mince, je m’en rappelle encore. Il était venu et était scandalisé de voir que je conduisais. Papa lui a dit d’en engager un autre, qu’ils avaient besoin d’un autre [homme]. Il était reparti et m’avait laissé faire.
Wilfrid sur le bulldozer.
Un été, je voulais une job de nuit au moulin des Gagnon, où ils remplissaient les camions, et ça a été difficile. Papa voyageait ce qu’on appelait des chips, des copeaux, à Kenogami, et je prenais le camion, pis j’avais conduit. Je faisais des voyages. Le propriétaire du camion était venu avec moi une fois, ma mère était venu une fois, pendant que papa se reposait. Quand il arrivait tard, il pouvait se reposer. Je prenais le camion et j’avais le temps d’aller le charger. Il pouvait se lever sans être obligé de partir tout de suite. Il partait le matin, le camion avait été chargé. Des fois, quand il arrivait à 10 heures du soir, j’allais voir et des fois, tu pouvais pas chargé tout de suite, ça m’arrivait de finir de charger le camion à deux heures ou trois heures du matin, et pendant ce temps-là, papa se reposait, il dormait. Je stationnais le camion pas loin, et je mettais les clefs pas loin. Lui se levait, voyait les clefs et le camion pas loin, il se préparait et partait. Ça lui permettait de dormir et de se reposer et de faire plus de voyage. Moi j’étais pas payé, mais comme ça lui permettait de faire plus de voyages et que des fois j’en faisais un aussi... Normalement il en faisait trois, mais plus souvent qu’autrement, je faisais le quatrième. Ça lui rapportait plus et c’était donc un peu rentable pour moi aussi.
Wilfrid devant un camion de copeaux.
Une fois, j’étais reparti de Kenogami tout seul, papa était embarqué avec un autre camion qui me suivait, tout le monde finissait par se connaître. On arrêtait souvent à St-Bruno et j’étais arrêté à St-Bruno pour m’acheter du fromage. Ils vendaient du fromage en grains. Il y avait Marchand d’un côté, le restaurant, et de l’autre côté, il y avait la laiterie et la fromagerie, qui étaient là. Je me souviens que je m’étais arrêté là et ils avaient pris le tour de mettre du colorant dans le fromage [une mode]. J’étais arrivé là en me plaignant qu’ils avaient juste du fromage coloré et que c’était de la cochonnerie. J’avais fait le show, et le chaud, dans tous les sens. J’étais traversé de l’autre côté pour m’acheter du fromage chez Marchand et j’étais retourné à la fromagerie pour m’acheter une liqueur là. Je me promenais dans le chemin et l’autre gars disais à papa: «Ton garçon doit être bien chaud, ça a pas de bon sens». J’étais reparti. On s’achetait un paquet de fromage avec une liqueur, ordinairement une orangeade et rendu à St-Gédéon, on n’en avait plus.
Wilfrid avec un bulldozer.
Après ma première année pleine à l’université, j’ai eu l’occasion de donner le cours à l’institut La Chesnaie. J’avais été en vacances tout l’été, et j’avais eu l’occasion de donner ces cours-là. À l’été 1962. J’ai donné les mathématiques à quelques futurs préposés. Ils modifiaient l’institut La Chesnaie. À l’institut La Chesnaie, il y avait des jeunes délinquants, et c’était du monde qui s’occupaient d’eux autres, mais il [y avait un programme] pour faire mieux. Aussi, à l’hôpital psychiatrique, ils voulaient les placer dans les maisons et voulaient des gens qui étaient plus que des préposés aux bénéficiaires, ils voulaient des gens qui étaient plus connaissant du côté psychologique. Avant qu’ils suivent ces cours-là, il leur manquait de la formation, et ils devaient donc se mettre à jour [en mathématiques]. C’était des cours donné par l’institut La Chesnaie. C’était le docteur Beauchesne qui engageait, c’était lui qui s’occupait de l’institut La Chesnaie.
Quand j’ai eu fini complètement l’université, en 1963, dès que j’ai été rendu chez nous, le voisin, Léonide Beaulieu, qui enseignait en 7e et 8e année à Ste-Hedwidge, vient me voir et me dit qu’il est malade, qu’il a demandé pour ne pas travailler une semaine. C’est tard ans l’année. Il avait demandé que je le remplace. Pour une semaine. Il enseignait toutes les matières en 7e et 8e. Il m’a dit que les livres étaient là-bas, de demander aux élèves pour demander où on était rendu. « Ok, je vais y aller ». Je prenais l’auto et je m’en allais à Ste-Hedwidge. Une belle semaine, ça m’avait donné 55 piastres, quelque chose de même. Après ma semaine, je suis rendu chez nous. Je reçois un téléphone du monsieur qui s’occupait de la commission scolaire. Il voulait que j’aille enseigner en 6e et 7e pendant trois semaines au moins. Monsieur Gagné qui enseignait là était un frère du Gagné avec qui je pesais des camions quand je travaillais à la pesée du camion. « Monsieur Gagné vient de rentrer d’urgence à l’hôpital et a été opéré de l’appendicite. On a besoin de quelqu’un et comme vous avez déjà enseigné là et ça avait l’air de bien aller, on aimerait ça que vous veniez ». Je suis retourné trois semaines enseigner là en 6 et 7. La classe était pas mal pleine, mais j’avais pas eu de misère. Les jeunes étaient le fun, j’avais pas besoin de faire trop de discipline, même si c’était des jeunes. Plus tard, j’ai eu une offre de la commission scolaire pour me dire « si vous voulez venez enseigner chez nous et d’ici un an ou deux, on vous nommera directeur de l’école ». Là, c’était de valeur, mais ça marchait pas. Parce qu’avant que je finisse, j’étais allé voir au séminaire des pères maristes, pour enseigner au cours classique. En arrivant là, le père Parent m’avait dit: « C’est pas compliqué, vous donnez les mathématiques ici en Belles lettres, Rhétorique, Philo I et Philo II l’année prochaine. C’est décidé. On vous veut, on veut du monde de la place ». C’était à La Chesnaie, il y avait une bâtisse et c’est là que les pères maristes avaient installés les classes, pour le cours classique.
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[13 octobre 2011]

1961-1963: Contexte (2)

Institut La Chesnaie

Ouvert en 1961, L'Institut La Chesnaie est un projet qui a été piloté par le docteur André Beauchesne alors qu'il était gérant du Sanatorium de Roberval. L'institut était sous la responsabilité des Pères Maristes et comportait 8 bâtiments accueillant 150 adolescents, pour la plupart des orphelins ayant des difficultés ou des retards d'apprentissage. Le projet a été réalisé en collaboration avec l'arrivée des Pères Maristes.

Le collège classique des Pères Maristes

Les pères maristes se sont installés à Roberval dans le cadre du projet de l'Institut La Chesnaie. Ils intègrent alors à leurs activités un collège classique donnant les 4 dernières années du cours classique. Le séminaire des pères maristes de Roberval partage donc le "campus" de l'Institut et on y offre Belles Lettres, Rhétorique, Philo I et Philo II. Les 4 premières années du cours classique, Élément, Syntaxe, Méthode et Versification, sont offertes à Roberval par les Clercs de St-Viateurs, au Collège Notre-Dame. Le collège classique de Roberval connaît une brève existence, puisqu'il sera victime des réformes du système d'éducation du Québec qui abolissent le cours classique. Il ferme donc ses portes en 1967.

Le père Louis-Philippe Parent

Le père Parent est né en 1924 en Beauce. Après ses études en théologie et en philosophie, il est ordonné prêtre en 1950 et se consacre essentiellement à l'enseignement. Il fait partie de la petite communauté des six pères maristes installés à Roberval lors de l'implantation du collège classique. Le père Parent est le recteur du collège et y enseigne la philosophie. Il y travaille jusqu'à la fermeture en 1967.

L'édition courante du livre de L. Beaulieu
sur la descendance de J. Morin.
Léonide Beaulieu

Léonide Beaulieu allait écrire un livre de généalogie sur Jean Morand (dit Morin), en octobre 1980. Ce livre explore la descendance de Jean Morin, le père de Laura Morin, qui a marié Stanislas Morin, grand-père de JE. On peut voir une photo de Jean Morin avec Stanislas dans le cadre de ce billet.

Christian Leclerc

Christian Leclerc a été sacristain de la paroisse St-Jean-de-Brébeuf de Roberval de 1953 à 1989.
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1961-1963: Contexte

Adrien Pouliot et le Pavillon Adrien-Pouliot

Adrien Pouliot est diplômé de la Sorbonne, de l'École Polytechnique de Montréal, puis de l'Université Laval. Il commence à enseigner à l'Université Laval en 1922. En 1939, il est directeur du département de mathématiques pures. De 1940 à 1956, il est doyen de la faculté. Le pavillon Adrien-Pouliot de l'Université Laval, nommé en son honneur, est inauguré en 1962 et abrite une partie des activités de la faculté des sciences et de génie. Adrien Pouliot a reçu 7 doctorats honorifiques d'universités canadiennes, françaises et italiennes, en lettres, en philosophie en droit et en sciences. Il est décédé en 1980.

André Prémont

Né en 1942, André Prémont a été professeur à l'Université Laval à compter de 1967. En 1987-1988, il était professeur au département de mathématiques, statistiques et actuariat de l'Université Laval, et c'était mon professeur dans le cadre d'un cours de statistiques actuarielles que j'ai pris pendant cette année-là. Il a ensuite été directeur de l'école d'actuariat de l'Université Laval de 1992 à 1998. Il a pris sa retraite en 2001.

Épicerie Jato

Fondé par Jean Boiteau en 1954 à Sillery, les épiceries Jato opéraient neuf marchés d'alimentation, dont un sur la rue Myrand, non loin de l'Université Laval. La chaîne a été rachetée par Provigo en 1975 alors qu'elle occupait 16% des parts de marché.

Les pères du Sacré-Coeur

L'endroit dont parle JE est fort probablement le monastère des Pères Missionnaires du Sacré-Coeur, situé non loin de l'Université Laval, sur Marie-Victorin, à Sillery (à l'époque).

La voix de Gigi

Pour replacer en contexte la rencontre entre JE et Gigi, j'ai demandé à cette dernière quelques précisions sur ce que nous avait raconté JE.
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Gisèle, diplômée.
Gigi, tu prenais un cours de chimie quand tu as rencontré JE?

J’étais en 11e année. J’ai fini le Brevet B en 1962, le Brevet C en 1961, donc la 11e année à l’été 60. Les ursulines avaient 10e , 11e, Brevet C et Brevet B. La sœur qui donnait le cours de chimie, c’était tu concombre? Mère Marie de la nativité, on l’appelait concombre, je sais pas pourquoi. Elle était pas bien bonne. Je pense que la madame, elle le savait pas trop. Je pense qu’elle était comme moi et connaissait rien là-dedans. On était une gang à bloquer et reprendre ça. Et même si on avait fait notre Brevet C et notre Brevet B, si on n’avait pas passé notre examen de chimie de 11e année, on n’avait pas notre diplôme. Ça m’a pris trois fois. La troisième, je pense qu’ils me l’ont donné par charité.

Ça faisait longtemps que tu connaissais Raymonde Rouleau?

Je connaissais Raymonde depuis que j’étais arrivé à Roberval, depuis ma 10e année. Je suis arrivé à Roberval en 1958. J’ai fait ma 9e année à Girardville et j’ai été chanceuse que papa me dise de continuer, parce qu’il aurait bien pu me dire de travailler, c’est ce qu’il avait dit aux autres.
École normale et couvent des ursulines de Roberval,
photographié en 2005.
Moi j’ai décidé de continuer et on rentrait instantané chez les ursulines. C’était une bonne école. C’était comme une école privée. Nous autres, on était externes, on ne payait pas ce que les pensionnaires payaient. Les externes étaient plus bafouées que les pensionnaires. Les pensionnaires étaient traités comme des enfants de rois. C’était plus payant, leurs parents étaient plus « nobles » mais nous autres, on était des petites pauvres, les externes. Je pense à Étiennette, Raymonde, moi, Lise, je connais leurs parents et c’était tous des gens pas riches. Mais on restait à Roberval. Déménager à Roberval a été la plus belle affaire qu’il [son père] a fait de toute sa vie. C’est vrai, qu’est-ce que j’aurais fait dans le fin fond de Girardville?
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[Propos recueillis le 13 octobre 2011]

Rencontre avec Gigi

Tu as rencontré ta blonde à l’été de 1960.

Raymonde Rouleau et Gisèle, en 1961.
Pendant l’année, j’ai fait ma Philo I. Donc, j’avais fait de la chimie. Beaucoup de chimie. Quand je suis arrivé en vacances chez nous, à un moment donné, Madame Rouleau, qui demeurait le voisin [locataire de l’étage de la seconde des maisons qui appartenaient alors à Aline], avait sa fille, Raymonde, et Gisèle, l’amie de sa fille, qui demeurait pas loin. Eux autres, elles allaient à l’école. Elles faisaient leur 10e ou 11e année à ce moment-là. Elles avaient un petit livre de chimie et elles ont passé un examen de chimie. Madame Rouleau vient et elle me dit toi tu en a fait de la chimie cette année. Les filles en haut, elles sont sures d’avoir bloqué leur examen. Elle m’apporte une copie de l’examen. Évidemment, avec la chimie que j’avais fait, et j’avais eu d’excellentes notes, j’avais pas eu besoin de consulter des livres pour savoir qu’est-ce qu’il fallait répondre. Elle m’a demandé de venir leur expliquer. Je suis allé chez madame Rouleau et là, j’ai vu Raymonde, puis Gisèle. Gisèle, je l’avais jamais vue. C’était la première fois que je la voyais. Je leur ai demandé comment ça se faisait qu’elles pensaient avoir eu de la misère, à ne pas saisir ce qu’il en est. Je me suis rendu compte qu’elles n’avaient pas appris à nommer les choses. Les acides, avec un H ou H2 en avant, par exemple. Ils n’ont pas appris la composition des choses. Les sels, les acides, les bases. Celle qui leur enseignait ça, c’était une vieille sœur, je ne me souviens plus comment elles l’appelaient. Je leur ai montré qu’est-ce que c’était, et elles m’ont dit qu’elles auraient un échec. Elles ont eu un échec. Mais elles avaient le droit de faire une reprise pendant l’été. Je les ai invitées à venir et prendre leur livre et leur montrer comment l’apprendre. « Je vais vous aider à l’étudier ». On s’assoyait donc tous les trois et on prenait le livre. J’ai essayé de leur montrer ça et elles ont fait la reprise. Raymonde a réussi et Gisèle l’a manqué encore. Je pense qu’elle s’était mis dans l’idée qu’elle ne comprendrait jamais rien là-dedans et qu’il fallait qu’elle sache tout par cœur.
JE et Gigi, début des années 60.
Pendant l’été, il y avait une exposition à Roberval. Il y avait des manèges, et toutes sortes de trucs, avec des expositions d’animaux. Je suis allé à l’exposition, et j’ai rencontré Gisèle, qui était avec des cousins et des cousines. Un plus tard dans l’été, j’étais dehors, et Gisèle est arrivée pour aller chercher Raymonde. Je leur ai demandé où elles allaient et elles allaient à la balle molle. J’étais avec Raynald Tremblay, un petit cousin, un cousin de papa. Je lui ai dit de venir avec nous autres qu’on allait à la balle molle. On est parti pour aller à la balle molle. Comme je dis toujours à Gisèle [depuis ce temps-là], « c’est qu’en m’en allant à la balle molle, j’ai pris ta main et après ça, je l’ai plus lâchée ». On est allé à la balle molle, et quand on est revenu, on a oublié complètement Raynald et Raymonde. Elle avait l’air à trouver ça agréable que je lui tienne la main. On est allé chez eux, et là, elle m’a présenté à chez eux. Évidemment, son père trouvait ça assez extraordinaire. Un grand garçon de 20 ans, qui mesurait 6 pieds, alors qu’elle mesurait juste 5 pieds. Il trouvait ça particulier, mais en tous cas. C’est devenu ma blonde.
Arrière de la maison où habitait Raymonde
Rouleau, à l'étage, telle qu'elle apparaît
en 2011.
On a eu l’occasion de sortir quelques fois ensembles, mais pas beaucoup parce que les vacances finissaient. Et quand elles finissaient, je rentrais pensionnaire. J’ai été un an pensionnaire, et on a essayé de se téléphoner une fois ou deux. On s’est vu une couple de fois, elle a réussi à venir, il me semble avec maman une fois. Elle était venue aussi chez deux de ses tantes qui demeuraient à Chicoutimi. Sa tante Yvette et sa tante Colette. Colette était veuve. Elles demeuraient quasiment en face du séminaire pas loin. J’avais réussi à avoir une petite permission pour sorti et aller la voir, faire un petit tour.

Pendant tes congés [une fin de semaine par mois], tu revenais à Roberval?

Oui, oui. Je descendais chez nous. Je l’appelais, j’allais la voir ou elle venait me voir. Ça a été bien plus compliqué après ça, pas à cause des fréquentations, mais parce que moi, quand j’ai fini cette année-là, j’ai eu deux semaines de vacances avant de faire ma première année d’université pendant les vacances.
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[13 octobre 2011]

[Retour[ sur un voyage à Montréal

En sortant du séminaire, en 1961, tu as 20 ans. Étais-tu sorti souvent de la région, à ce moment-là? On a parlé de Roberval, de la vie à Chicoutimi, on a parlé de courts séjours à Normandin ou Albanel, mais à part ça, étais tu sorti de la région?

Oui. Je ne peux pas dire à quel âge, mais j’étais pas vieux.

Avant ton entrée au séminaire?

L'édifice du 66 Sherbrooke ouest Montréal, en 2011.
Une marque sur la pierre laisse voir une ancienne plaque
d'adresse, qui a été révisée depuis l'époque où JE l'a visité.
Oui, je devais avoir une dizaine d’années. Mon père et René Dufour connaissaient bien Cécile Bérubé et Lucien Couture, qui demeuraient à Montréal. Au 68A rue Sherbrooke Ouest. C’était un loyer, dans le bas. Ils partaient donc tous les 4 [René Dufour et sa femme Simone, Wilfrid et Cécile], et je demeurais à la maison, avec ma tante Aline. En bébé gâté, avant qu’ils partent, pendant qu’ils étaient dans l’auto et se préparaient à partir, j’étais sur la galerie et j’ai fait ma crise. J’ai crié et chialé de telle façon qu’ils ont décidé de m’emmener. Je suis donc parti avec eux autres. On est parti, puis on est venu à Montréal. Quand t’arrivait à Montréal, dans ce temps-là, tu arrivais sur la rue Sherbrooke. À l’entrée en arrivant. T’arrivais par la route 2 il me semble, c’était le long du fleuve. Ça a donc pas été compliqué trop trop à trouver, et il y avait une station service en face de chez lui et c’est là qu’ils ont stationné l’auto. Je me souviens de ça comme il faut.
Un des anciens tramways de Montréal, que j'ai visité
lors d'une exposition en 2009.
Dans ce temps-là, le tramway passait. Il était électrique et prenait son courant en l’air, les fils étaient en haut. Lucien, lui, il a voulu nous faire faire ou tour pour voir ce que c’était. On a donc embarqué dans le tramway. Comme on était au 68 Sherbrooke ouest, je dois conclure que le tramway que j’ai pris était sur St-Laurent. On l’avait pris en descendant vers le sud, il faisait une boucle et on était revenu au même endroit et on a débarqué là. J’avais fait du tramway. On avait été là [à Montréal] deux ou trois jours, pas plus. On avait couché sur un matelas à terre dans le salon. Le soir, ça jasait et Lucien couture aimait ça conter des histoires. Et le meilleur conteur d’histoire de ceux qui voyageaient, c’était moi. On avait donc conté des histoires en alternance pendant la soirée, à travers les commentaires de Cécile, et maman. On avait eu du fun, on s’était couché tard. Je me rappelle pas du reste du voyage tellement. Puis, on est retourné à Roberval. Ça passait pas par la route de La Tuque dans ce temps-là, ça passait par Québec.
La station service sise en face du "68A" Sherbrooke Ouest
existe encore en 2011, coin Sherbrooke et St-Laurent.
Sur cette route-là [du Parc des Laurentides], papa allait livrer du gaz au mont Apica quand il travaillait pour BA. Il y avait des côtes, la route était pas faite comme aujourd’hui. Je me souviens d’une côte où il avait manqué de brake. Il y avait un petit pont en bas et il était passé vite sur le petit pont. Il avait eu peur. C’était pas loin du gite, pas loin, il y a une grande côte, qui fait un détour aujourd’hui, mais ça descendait direct dans ce temps-là, c’était une petite route en gravelle. Si je me rappelle bien, ils étaient parti à trois camions, pour aller livrer là, et il était le deuxième. Lui a manqué de brake, l’autre il l’a vu venir alors il n’y en a pas rien qu’un qui est passé vite sur le pont, il y en a deux. La route était pas large et il était hors de question de doubler, ils auraient pris le fossé tous les deux et se seraient retrouver dans la dump avec les deux camions et le gaz.
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[13 octobre 2011]

Un mot sur la politique de la fin des années 50

Du moment où tu as eu 4 ans, jusqu’en 59, c’était Maurice Duplessis qui était Premier Ministre du Québec. Te souviens-tu s’il y avait des discussions politiques à la maison ou au séminaire à l’époque de Duplessis?

Un camion de la compagnie BA conduit par Wilfrid.
Chez nous, les députés du compté quand j’étais jeune, c’était des députés de l’Union Nationale, donc de Duplessis. Au séminaire, on parlait pas vraiment de politique. Mon père, lui, travaillait régulièrement pour des gens de la politique, comme Antoine Marcotte, qui était député et qui était le concessionnaire de la compagnie BA pour livrer du gaz et de l’essence et de l’huile à chauffage. Quand j’étais assez jeune, je me souviens qu’il y avait des endroits où les gens allaient brûler des pneus à l’avant des résidences de quelques-uns qui étaient opposés à Duplessis.

Wilfrid
Ça nous mène en 59 à la mort de Duplessis, tu as 19 ans, tu es au séminaire. Après Sauvé qui le remplace quelques mois avant de mourir à son tour, Antonio Barrette déclenche des élections. Jean Lesage prend alors le pouvoir. Est-ce que ça parlait de politique pendant la campagne au séminaire? Aviez-vous le droit de vote?


Non, c’était à 21 ans le droit de vote. Au séminaire, ça se parlait pas beaucoup. C’était pas plus que ça. Et pensionnaire, t’avais bien d’autres choses en tête que de penser à l’élection. Les prêtres, ça arrivait qu’ils en parlent un peu, mais j’ai l’impression que chacun était un peu pour soi. Et c’était en 1960. Et à l’été de 1960, j’ai eu ma blonde.
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[13 octobre 2011]

1954-1961: Contexte (3)

Antoine Marcotte

Antoine Marcotte est né à Roberval en 1899. Il a été maire de Roberval de 1942 à 1951. Il a aussi été député de Roberval pour l'Union Nationale de 1944 à 1955. Il était également le président de la commission scolaire de Roberval de 1946 à 1955. Il est décédé en décembre 1955. Le boulevard Marcotte, qui est la portion de la route régionale 169 qui traverse la ville de Roberval a été baptisé en son honneur.

La compagnie B-A

La Brittish American Oil Company Limited a été fondée en Ontario en 1906 avant de s'installer au Québec à partir de 1909. En 1946, une partie de ses actions est achetée par Gulf Oil Canada, avec laquelle elle fusionnera une partie de ses activités quelques années plus tard, pour être avalée par Gulf Oil Canada en 1968-1969.

L'expo agricole de Roberval

Il se tient à Roberval une exposition agricole régionale dès 1919. Le site comprend un pavillon permanent qui s'appelle le Palais de l'agriculture et propose des concours de bétail avec juges. À partir de 1940, on incorpore des manèges, des kiosques de jeux et des commerces. L'exposition cesse en 1970 après 49 éditions.

Ce qui reste du Couvent des Ursulines de Roberval, en 2005.
Les anciens externats et École normale ont survécu
à l'incendie qui a ravagé la chapelle en mars 2002. L'édifice
appartient aujourd'hui à la Ville de Roberval.
L'école des ursulines de Roberval

À l'arrivée de Gigi à Roberval en 1958, les ursulines ont la charge de l'École Normale (où se donnent les années de brevet C et brevet B que fera Gigi), de l'Institut Familial (une école ménagère qui deviendra la Villa Étudiante en 1969), ainsi que les années de 10e et 11e année en pensionnat et externat. En 1959-1960, l'année où Gigi fait sa 11e année, l'externat comporte 80 élèves et le pensionnat 75.

Le 3e détour du gîte

L'anecdote de l'accident évité par Wilfrid sur la route de la réserve faunique des Laurentides m'avait été raconté par ce dernier. Cet incident m'avait inspiré une nouvelle littéraire, intitulée Le 3e détour du Gîte et qui a été publiée dans le recueil L'Héritage de Roberval, en 1998.