mardi 1 novembre 2011

Les années d'université (2)

L’appartement que vous aviez réservé avec Denis Paradis pour septembre, c’était où?

Directement où se trouve maintenant le Motel Universel. C’était un petit motel miteux qu’il y avait là, et juste à côté, il y avait une maison qui appartenait à une madame qui était veuve. On s’est retrouvé là, Clermont, Denis et moi. Et l’autre trois et demi qui avait au-dessus de nous autres, il y avait Benoit Bouchard, Bruno Boivin et Bernard Lapierre. On était six du séminaire. Eux autres, ils se payaient le luxe d’avoir le téléphone, mais nous autres, on se payait pas le luxe d’avoir le téléphone.

JE, début des années 60
Ta session intensive s’est faite sur le boulevard de l’entente. Ta session de septembre, c’était sur le nouveau campus?

On était sur le nouveau campus. Excepté que j’avais de la chimie, et on allait encore à l’école de chimie sur le boulevard de l’entente pour faire des laboratoires. Les laboratoires avaient pas encore été transportés. Les labs de chimie et de physique, jusqu’aux fêtes. Après les fêtes, c’était transporté [sur le nouveau campus].

Tes cours étaient donc dans les pavillons Vachon et Pouliot.

Presque tous dans le pavillon Pouliot, ils étaient quasiment pas dans l’autre, un ou deux, pas plus.

Tu as connu Gigi à l’été 60, tu as fait ta dernière année à Chicoutimi, puis ta session d’été, puis tu repars pour l’année. Pendant ton année, tu descends de temps de temps?

Toutes les semaines. Excepté quand il y a une grosse tempête. Une fois aussi, je voulais m’en revenir le dimanche soir et j’ai été obligé de revirer de bord, il faisait trop mauvais. J’étais reparti le lendemain matin à Québec. Chaque fois que j’arrivais… j’étais pas chanceux, cette année-là, il y avait eu beaucoup de neige. Moi, évidemment, il fallait que j’arrange mon entrée. De la neige, il y en avait. J’étais obligé de garocher mon auto, quand j’arrivais tard, assez loin, pour ne pas qu’il lui arrive de malheur. Après ça, t’allais te coucher et le lendemain, quand tu avais fini tes cours et que tu revenais, c’était la pelle, une couple d’heure. J’avais mon auto et ça faisait bien. Quand on allait faire le marché, ça faisait bien. Il est venu un temps où ils me disaient ce qu’ils voulaient et j’y allais tout seul.
JE, juin 1960
J’allais pas chez Jato, qui était un gros marché dans le temps. J’allais chez l’autre, parce que le boucher était le frère de notre propriétaire. Ça faisait bien parce que je pouvais avoir des morceaux de viande choisis qui coûtaient pas trop cher. Chaque semaine, on achetait un rosbif, chaque semaine, j’apportais un poulet de chez nous, j’achetais du steak haché, j’avais souvent un rôti de porc en même temps que le poulet. On avait du manger pour la semaine. Je cuisinais le soir et comme le midi, on n’avait pas trop de temps, si on avait un poulet, on pouvait se désosser un morceau, c’est plus rapide et tu pouvais bien manger quand même. Les patates, il y quelqu’un qui passait pour vendre des patates et on achetait à la poche, parce qu’on avait un endroit frais et que comme ça, on n’avait pas besoin d’acheter de patates pendant un bout de temps.

Ça se passait comment les cours pendant ces deux années d’université?

Pendant la première année, l’université avait grossi, c’était les nouveaux pavillons. Il y avait à peu près 1500 étudiants en sciences [avant] et tu montais à pas loin de 3000. Ils ont donc repêché des professeurs un peu partout. J’ai eu un professeur qui m’a donné un cours de chimie pour qui l’ion d’iode négatif c’était le iod ion minus, parce qu’il parlait pas beaucoup français, il était d’origine allemande. J’avais un autre prof, qui était allé une année à Toronto et une à Montréal, pis ça avait pas toffé. Je l’avais comme prof, il était le fun par ses belles comparaisons. C’était le cours sur les intégrales doubles et triples. Excepté qu’il nous montrait comment faire les intégrales, mais qu’à l’examen, t’avais des problèmes écrits, et t’avais pas appris à poser le problème, et à monter tes intégrales. Si tu réussissais pas à trouver le truc – et en intégrales doubles et triples, c’est pas évident à poser – c’était assez compliqué. J’étais allé le voir et je lui avait dit qu’on jurerait que nous n’aurions jamais dû soupçonner l’existence de la question. Il a dit que c’était ça. On en a eu un autre, il avait un fascicule que ses anciens étudiants avaient écrit. Lui il nous faisait un cours, il s’appelait monsieur Rotberger. puis quand il nous faisait son cours, il parlait de quelque chose, comme les matrices, puis être [tout à coup] en train de parler d’autre chose, d’un autre sujet. Mais avec son livre c’était commode, tu fouillais et tu voyais où il était rendu. Arrivé à l’examen, tu n’étais pas perdu, il posait des questions dans ce qu’il avait dit. Comment il faisait pour se démêler, je sais pas. En plein hiver, il arrivait en coat d’habit et en souliers. On lui avait demandé pourquoi l’hiver il restait en souliers, qu’il mettait pas de bottes. « Quand on nait, on est nu pied, on met des bas pour protéger nos pieds et des souliers pour protéger nos bas. À un moment donné, il faut arrêter d’en mettre pour protéger ». J’ai aussi eu Pouliot. Adrien Pouliot. Le pavillon.

A ce moment-là, le pavillon, il s’appelait pas Pouliot, j’imagine?

JE, début des années 60.
Oui, ils l’ont appelé Pouliot pendant qu’il était là. C’était un bonhomme assez curieux. Il avait fait un cours, un doctorat, mais pas en mathématiques. Puis il a décidé que c’était le fun les mathématiques, et il a étudié les mathématiques. Il était pas mal particulier. Il te donnait un paquet de notes et débitait son affaire, et il partait enseigner à un autre niveau. Moi j’étais en deuxième et il donnait aussi des cours en troisième. Pendant la session, il donnait ton cours et disait que la semaine prochaine, il y avait avoir un examen. Il donnait les cours en troisième année, puis à son bureau, il préparait son questionnaire pour nous autre avec ce qu’il avait dit en troisième année. Avant de nous donner le questionnaire, il se rendait compte qu’il l’avait fait sur la troisième année. Il nous donnait une heure de cours, sur ce qu’ils avaient appris, et tu faisais ton examen, mais 80% de ce qu’il y avait dans l’examen, tu n’en avais pas entendu parler à part l’heure d’avant. Va donc répondre. Ça s’appelait Analyse mathématiques. J’ai suivi son cours et je l’ai bloqué. Je l’ai repris quand j’ai eu fini. Quand j’ai eu fini, il me manquait des cours, j’avais eu quelques échecs. Comme dans le cours de mon bonhomme de tantôt, avec ses questions qu’on aurait pas dû connaître l’existence. Une fois rendu à Roberval, j’avais ma job, ils me payaient sur 17 ans de scolarité au lieu de 18, et pendant deux ans, j’ai complété les cours qui avaient été manqués.

Pendant ces deux ans là, tu as donc fait quoi comme cours?

J’ai fait deux certificats en mathématiques, j’ai laissé la chimie. Avec mes chimistes que j’avais pogné au début, j’ai mis ça de côté. J’ai pris deux certificats en mathématiques et un en physique. C’était une licence en enseignement mais il n’y avait pas de psychopédagogie pantoute là-dedans.

Tu faisais juste des cours de sciences?

Oui. Tandis qu’en lettres, comme Benoit Bouchard qui était allé en lettres, il avait suivi en même temps la psychopédagogie. C’est plus tard que je suis allé chercher le certificat en psychopédagogie.

À part les six amis du séminaire, tu te souviens d’autres copains, à l’université?

Il y avait Robert Savard, qui était tout le temps avec moi, même à l’occasion d’une reprise d’un cours qu’il avait échoué aussi. Il y a eu aussi la reprise avec Pouliot. Je l’ai repris à ma deuxième année de travail. Quand je suis allé faire l’examen, j’étais convaincu que je l’avais pas réussi. J’avais quelqu’un que j’avais vu au début de l’année. J’étais allé voir un étudiant et lui avait demandé de corresponde avec moi, qu’il me donne son numéro de téléphone, pour que je sache où j’en étais. Je faisais le cours à distance. Je voulais savoir qu’est-ce qui en était, et savoir mes notes, qui étaient affichés tout court. Quand j’ai passé cet examen-là, j’étais convaincu, pour une fois, je savais que j’avais mal répondu. J’étais bloqué. Je reçois pas de nouvelles de mon gars, alors je l’appelle. Il me dit qu’il était allé voir et que mon nom était pas là, donc que j’avais pas d’échec, j’étais passé. J’ai averti le monde qui était au séminaire [des pères maristes], que je prenais congé le lendemain. Je pars. Pris mon char, je suis filé à l’université pour voir si mon nom était là. Il était passé, donc j’avais tout fini. Je suis reparti, j’ai fait le voyage aller-retour Roberval-Québec pour aller voir sur la liste pour être sûr.

Tu te souviens-tu de qui c’était ce collègue d’études-là?

Prémont. André Prémont. Lui a fait son cours en mathématiques, puis après, il a fait de l’actuariat. S’il n’était pas actuaire, il avait étudié là-dedans. Quand j’ai repris l’autre cours de mathématiques, le professeur avait écrit un livre. Ça marchait bien parce que c’était l’abbé Savard qui m’envoyait régulièrement le contenu du cours. Excepté que toutes les notes que j’avais finissaient à une place mais le cours allait plus loin. J’avais tout le temps des bonnes notes et à un moment donné, j’ai un examen, j’ai une misère du diable. J’ai des mauvaises notes. Je suis parti de Roberval et je suis allé voir le prof, j’ai demandé pour faire une reprise. Il a dit qu’il n’y avait pas de problèmes. Je lui ai expliqué que j’avais pas su que ça allait plus loin. C’était juste le fait de l’étudier. J’en ai eu un autre que j’avais repris. J’avais étudié come il faut, mais j’avais sauté un bout. Tel que je le connaissais, il allait pas me le demander. C’est comme ça, quand t’es loin, de faire une reprise, c’est pas toujours évident non plus. Il y avait des modifications, c’était pas les mêmes profs, excepté Pouliot. C’est beau de dire que tu reçois des affaires, un des deux cours, l’abbé Savard l’avait déjà fait, alors je ne recevais même pas les notes. C’était pas toujours évident.
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[13 octobre 2011]

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