dimanche 25 septembre 2011

Cours classique: Versification

L’année suivante, après méthode, c’était quoi?

Versification. En versification, tu passes dans la grande salle. À cette époque-là, ceux qui allaient au Grand Séminaire, ceux qui étudiaient pour être prêtre, qui faisaient la théologie, de niveau universitaire, ils étudiaient aussi au séminaire. [Il y avait donc trois grands groupes: Petite salle (3 premières années), grande salle (5 années suivantes) et grand séminaire (théologie)]. En versification, dans la grande salle, tu tombes avec les plus vieux, tu es donc dans les plus jeunes de la salle. Pour le dortoir, tu changes aussi. Tu as un dortoir pour versification et les deux années suivantes. Les deux dernières années, de philosophie, ils ont leur dortoir. Et dans notre dortoir, il y avait des souris. Comme on était toujours des petits débrouillards, on s’est organisé avec les externes pour s’acheter une série de trappes à souris, une bonne trentaine, certain. Les souris venaient dans le dortoir par les trous dans le plancher le long des calorifères. On s’est mis à mettre des trappes à souris. Parce que les souris allaient aussi à l’étude. Si tu t’étais fait acheter des choses par le coiffeur – comme tu pouvais pas aller en ville, tu te faisais acheter des choses par le coiffeur -, des peanuts par exemple [tu les laissais à l’étude et les souris les mangeaient]. Ce que je me souviens du dortoir de versification, c’est d’être couché et à un moment donné, tu entendais clac, clac, clac. Après un bout de temps, ça claquait plus gros. On en a pogné, on a pratiquement purifié le séminaire. On a fait ça pendant quasiment deux ans.

C’était quoi la grande différence au niveau programme, en versification.

Les examens qui venaient de l’université. À ce niveau-là, on avait une version grecque (prendre un texte grec et le traduire en français), une version latine (prendre un texte latin et le traduire en français), un thème latin (du français que tu traduisais en latin), un examen de mathématiques, une composition française et une composition anglaise. A la fin de l’année, tu entrais à la salle d’étude et ils te donnaient le texte et trois heures pour le faire. Chaque épreuve. Un l’avant-midi, un après-midi. Toute la littérature et l’histoire que tu avais apprise n’avaient pas rapport là-dedans, à part les connaissances générales que tu avaient vues. L’histoire que tu avais apprise et un texte grec à traduire, ça se rejoignait quand même un peu. La même chose si tu traduisais un texte de César, tu savais qui était César, qui l’avait écrit. Et les textes français, c’était de la littérature française. Un texte très littéraire. Il fallait que tu le mettes très littéraire, en latin. La composition anglaise était moins évoluée, ce n’était pas une dissertation sur un sujet précis.

En littérature française, tu te souviens de quels auteurs que vous avez étudié cette année-là?

Oh, sur trois ans [versification, belles lettres et rhétorique] on a étudié beaucoup d’auteurs. On a étudié les pièces de théâtre de Racine, de Molière, de Corneille, tu étudiais du Victor Hugo, de Lamartine, un peu de Camus, même s’il était pas tout à fait assez catholique, mais il y avait aussi Sartre, plus tard, mais pas cette année-là [versification]. Mais il y avait aussi St-Exupéry, Beaudelaire, François Villon…

Donc, c’était ta première année avec un vrai examen, conforme avec l’université.

Oui. C’était une façon pour l’université de s’assurer que notre niveau était bon. Parce qu’en rhétorique, tu passais un autre test du même genre. Puis en philo 2, tu passais ton Bacc ès arts. En versification, Ils exigeaient pas 60% dans chaque, mais ils exigeaient 60% en moyenne pour tous les tests. Et quand l’année a été finie, en versification, le dernier matin, tout le monde se levait tôt. Moi, je m’étais fait réveiller par les autres. Je dormais comme un bon, mais dans un dortoir de cent à six heures du matin, ça jasais partout.

Pendant ces trois premières années, aviez-vous des activités à l’extérieur du séminaire?

Équipe de hockey. JE est au centre, debout.
Dans ces années-là, versification compris, je pense que c’est arrivé une fois qu’on soit allé au colisée de Chicoutimi, pour une joute de hockey. Pas voir une joute de hockey, aller jouer une joute de hockey. Oui, c’est cette année-là. Parce qu’en versification, on avait une maudite bonne équipe de hockey. Il y avait quatre équipes dans notre ligue ; philo 1, rhétorique, belles lettres et versification. Nous autres, on a fini deuxième de la ligue en arrière de philo 1. Philo 1, on n’avait pas gagné contre eux autres. On jouait une fois par semaine. On s’est donc retrouvé en finale, un deux de trois, au colisée, contre philo 1. Là-dedans, je me souviens qu’il y avait Jean-Guy Girard, qui est devenu prêtre et qui a été à Roberval un bout de temps. Il y avait aussi Perron, habile avec son hockey, pas robuste, et bon patineur mais il ne battait pas de record. Pas loin du but, par exemple, il était capable de faire n’importe quoi avec la rondelle. Il y avait Bruno Boivin de Chambord, qui était un très bon défenseur, et moi, j’étais défenseur aussi. A la première game, on s’est dit une chose : on fonce. On a pris l’avance 3 à 0. Là, on a fait le contraire, on s’est replié, à quatre et à cinq. On ne les avait pas battu pendant l’année, mais là, on les a battu 3 à 2. La semaine suivante, encore au Colisée, et la seule stratégie qu’on a, c’est qu’on fonce tant qu’on peut au début puis on se replie et on dégage. On commence la partie et on se fendait en quatre. Il y avait rien que deux lignes, dans ce temps-là, t’avais pas trois ou quatre lignes. On a pris l’avance 2 à 0 puis on s’est replié. On a réussi à gagner 2 à 1. Donc deux parties à zéro, et on a gagné le championnat.

Dans cette ligue-là, pendant l’année, c’était des profs qui étaient entraîneurs ou arbitres?

JE en pleine action, à droite.
Des fois c’était nous autres, mais souvent, c’était ceux qui jouaient pas. On en a eu un qu’on appelait Ti-doce. Il était très intelligent, mais il était un peu informe, donc il était resté petit. C’était un arbitre au base-ball et à la balle molle, et souvent, il était entraîneur au hockey. Il a eu des fois des prêtres qui étaient arbitres, c’est arrivé, mais pas souvent. Habituellement, c’était des joueurs qui jouaient pas ce jour-là. Au ballon-balai et au ballon à coup de pied, sur une petite patinoire de neige tapée. Il y a eu des curés qui venaient patiner avec nous autres, comme Gilles Dion, par exemple, qui venait de Chambord, un curé de six pieds deux ou six pieds trois et qui pesait à peu près 225 livres, et quand on jouait au hockey juste pour s’amuser, on fonçait dedans, mais ça le dérangeait pas pantoute, il partait à rire, il bougeait même pas.

Et à part cette fois-là, sortiez-vous de temps en temps en ville à Chicoutimi?

Jusqu’en versification, compris, je ne le sais pas si je suis sorti, à part avec maman quand elle est venue me visiter. Ah, il me semble qu’en versification, j’ai jumpé. Je ne me souviens pas en quelle année. Cécile Bérubé, celle qui avait pensionné chez nous sur la ferme, elle s’était mariée avec Lucien Couture et a demeuré à Montréal un bout de temps. À un moment donné, il a déménagé à Chicoutimi et lui, il travaillait au séminaire, il était menuisier et faisait de l’entretien. Quand ils ont demeuré pas loin du séminaire, je suis allé faire des petits tours chez eux, improvisé, en me sauvant par en arrière. Je peux pas dire si c’est cette année-là ou l’année d’après. Je pense pas que c’était en versification, ça devait être après ça.

En te sauvant? Dans vos temps libres, vous ne pouviez pas sortir du campus?

Non, on ne pouvait pas. Mais on pouvait avoir de la visite.

Grand papa et grand-maman sont allés te visiter souvent?

Je ne sais pas si papa est venu. Parce que dans les temps où il pouvait venir, il travaillait. Maman elle prenait l’autobus et du terminus d’autobus de Chicoutimi, elle montait au séminaire à pied, pour venir me voir. Après, elle s’en allait, et elle avait un transfert à Jonquière. Si papa était là, elle s’en venait avec lui et elle pouvait l’attendre à son retour pour rentrer. Pour son travail, lui, il voyageait des copeaux. Il me semble qu’il a commencé cette année-là ou celle d’après. Il voyageait des copeaux, dans ce temps-là on appelait ça des chips. Il partait du moulin des Gagnon, et il apportait ça jusqu’à l’usine de papier à Kenogami. Plus tard, ça m’est arrivé d’en voyager avec lui et même de conduire le camion.
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[13 septembre 2011]

1 commentaire:

  1. C'est drôle, j'apprends des choses que je ne savais pas. Très intéressant. Je te félicite pour ce beau travail, qui je sais te demande beaucoup de travail, mais ça vaut la peine. Gi

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