samedi 8 octobre 2011

Souvenirs d'infirmerie

Dans mes souvenirs d’enfance, il me semble t’avoir déjà entendu dire que tu avais été responsable de l’infirmerie au séminaire, aussi.

Rémi Plourde
Ça c’était en philo II. L’infirmerie au séminaire c’était un vieil infirmier qui était là depuis quasiment la fondation du séminaire. On l’appelait le souffleur, parce qu’il faisait de l'asthme. Et pour s’assurer d’avoir toujours de la garde à l’infirmerie, il y avait une chambre, avec un prêtre qui venait coucher là, et qui avait un bureau là et célébrait sa messe là. Deuxièmement, il y avait deux étudiants nommés à l’infirmerie. Il y avait des lits pour recevoir les malades et c’était séparé en genre de petites chambrettes mais pas de portes. Tu pouvais mettre un rideau pour fermer ça. Il y avait une petite chambrette fermée dans un coin. Pendant la moitié de l’année, il y en avait un [des étudiants] qui couchait dans la chambrette et l’autre dans un des lits avec le rideau et à la moitié suivante, on inversait. J’ai été nommé là avec Rémi Plourde, qui avait été à la petite bibliothèque avec moi. Lui servait la messe pour le curé qui était là, et moi, j’avais demandé en Philo I à devenir servant de messe de celui qui était directeur du philosophat. C’était beaucoup plus commode que d’aller à la messe de tout le monde. Ça prenait un quart d’heure et c’était fait.

Depuis le début du séminaire, vous étiez obligé d’aller à la messe.

Oui. Tous les matins. La messe, ça prenait tout le temps au moins une demie heure, la messe de tout le monde, la semaine. La messe du dimanche, c’était avec la chorale, c’était une grand messe et on chantait.

Cette messe-là se donnait dans la chapelle du Séminaire.

Oui.

Il y avait de l’eucharistie à tous les jours?

Oui, il y en avait à tous les jours. Il y avait plusieurs prêtres. De chaque côté en dehors, il y avait des corridors avec des autels pour leurs permettre de dire leur messe. Les prêtres devaient dire leur messe tous les jours ça faisait partie de leur job, de leur vie, chacun avait son servant. Moi, j’ai servi comme ça les deux dernières années. À l’infirmerie, on couchait là, on étudiait là, donc on était très présent. Il arrivait des cas où c’était pas trop grave, mais s’il arrive un cas grave, au moins il y a quelqu’un qui peut s’organiser. Au début, on a vu grosso-modo ce qu’il y avait à l’infirmerie. Une fois par semaine, un médecin venait pour les cas un peu plus graves. L’infirmer allait les chercher pour des rendez-vous. C’est sûr que nous autres, on avait pas une formation énorme là-dedans. On pouvait se faire de la radio, on était beaucoup plus libre. On étudiait là au lieu d’être à l’étude, on était bien, on n’était pas dérangés par personne. Pendant les récréations, c’était l’infirmer qui était là, donc on pouvait se permettre d’aller avec les autres. Plus tard, t’es bien, tu veux te coucher un peu plus tard, tu te couches un peu plus tard.
Il est arrivé plusieurs affaires là. Un des premiers matins, j’étais en train de me laver la face pour me réveiller, et à un moment donné, Bruno Boivin arrive en me disant qu’il venait d’amener un petit gars de première année qui avait perdu connaissance. J’ai pris ma grosse serviette, je la foute dans l’eau froide et je lui plante ça dans la face. Évidemment, il a repris connaissance. Je me suis promis que j’irais plus mollo à l’avenir. C’était la première fois. Il est arrivé un certains nombres d’autres cas. Il y en a un qui m’est arrivé une fois avec toute la face en sang. Ça dégoutait au bout du menton. Dans un gymnase dehors, il était embarqué dans les anneaux et il a manqué son coup et s’est retrouvé sur le ventre en bas, en dehors du plancher de bois, dans la gravelle. J’ai commencé à essuyer ça, c’était pas tragique mais quand même. Je l’essuie puis l’essuie puis l’essuie, et je trouve rien. Il s’était fait une petite coupure, toute petite, dans le cuir chevelu. Juste ça. Je lui ai mis un peu d’iode et un plaster dessus et ça a arrêté. C’était un Rochefort, son nom, il me semble. Ça a été le fun. Il y en a un qui avait eu une indigestion du diable et je devais ramasser. Pendant que je ramassais ça, je chantais : « Salade de fruit, jolie jolie ». Parce qu’il faut prendre le côté amusant dans des cas de même. Comme ça, c’est asses léger et tu aides.
Un autre, un Bouchard, qui s’amusait en chimie... Il s’était pris du nitrate de quelque chose [probablement du nitrate de potassium] qu’il mettait dans une douille de stylo qu’il bouchait avec un barreau de chaise. Il mettait ça à terre avec des feuilles en dessous et il allumait ça. Normalement, ça devait exploser. Je l’avais vu faire une fois. À un moment donné, on était à l’infirmerie et il est arrivé. Il avait fait ça et le bâton avait pas sauté. Il a voulu remettre des feuilles et rallumer. Mais là, ça a sauté. Le cap est parti et lui a coupé le poignet. Tu le vois arriver à l’infirmerie avec un mouchoir sur le poignet, qu’il tient bien dur. Il me dit qu’il s’est coupé, je lui demande ce qui est arrivé et il se décide et il lâche [le garrot]. Le sang montait gros comme mon doigt et deux ou trois pouces au-dessus. J’ai pris tout ce qu’il fallait pour faire un bon garrot et pour le tenir et je suis parti avec lui vers l’entrée. A l’entrée, j’ai pris un des prêtres qui travaillait comme économe, qui était en charge des finances, et qui était là, et je lui ai dit « à l’hôpital ». Venir nous mener à l’hôpital. On rentre à l’urgence à l’hôpital et la sœur qui est là me demande si c’est ben gros comme coupure. Vous voulez voir? Je détache le chose un peu et pfff ! On faisait du sang à terre. Je lui ai confié pour les points de suture. Ça a été dans les cas graves.
Il y a eu aussi un cas, je me souviens, on s’était dit qu’on allait le dompter. Il avait eu quelque chose et le médecin lui avait donné quelques pilules pour dormir. On devait lui donner ça quelques jours. Ça fait une semaine et une semaine et demie, et il vient nous voir à dix heures du soir incapable de dormir. On lui donne une petite pilule et un soir, je lui dis de la croquer et demande ça goûte quoi. Ben, il dit, quasiment comme une aspirine. Je lui dis que c’est une aspirine qu’on lui donne depuis une semaine. Va te coucher puis dors, et reviens plus. Il s’était mis dans la tête que ça lui prenait sa petite pilule pour dormir le soir. À l’infirmerie, il y en a un qu’on a connu beaucoup. Bruno Boivin. Un gars de Chambord. Une fois, il avait eu une grosse grippe. Il était fiévreux. Dans ce temps-là, on avait des 333, comme de l’aspirine, mais plus fort. Ça aidait à enlever la fièvre et casser la grippe. Je lui avait dit que je lui donnais ça et d’éviter les courants d’air dans le dortoir. Le lendemain matin, il est plus capable de parler. Il y avait des fenêtres qui avaient été ouvertes de chaque côté. On l’a mis au lit avec deux 333, sinon il allait être vraiment plus malade.
Denis Paradis
Moi, j’ai eu la rubéole, pendant que j’étais pensionnaire. Denis Paradis et Claude Larouche me prenaient par la main parce qu’ils voulaient l’attraper aussi. Parce que ça donnait des congés, Tu partais et tu t’en allais chez vous. Ils envoyaient chacun chez eux. J’ai été une semaine à Roberval parce que j’ai eu la rubéole. Quand j’étais à l’infirmerie, ces maladies là il y en a pas eu mais quand il y avait une épidémie de grippe, je me souviens d’une fois où ils ont vidé le séminaire, il y avait trop de grippe. Ils nous ont envoyé pendant 3-4 jours.
Une fois, j’ai eu un employé du séminaire. Ça c’était un cas grave. L’employé était allé travailler où la bouilloire. C’était tout à l’eau chaude, le séminaire [le chauffage]. Dans le ciment, il y avait des trous, et en vidant ça, il y a de l’eau bouillante qui est allé dans les trous. Lui, par erreur il a fouté son pied dans un trou. Ils l’ont déchaussé, et il avait des cloques d’eau grosses de même, quasiment comme une tasse. Des grosses cloques sur le pied. Qu’est-ce que tu veux que je fasse avec? Tu peux ôter ça, mais ça va chauffer. Lui, c’est trop grave pour que je l’ôte. Je suis parti avec et je l’ai emmené en bas pour aller le mener à l’hôpital. J’avais mis une serviette sur son pied, on l’a amené dans l’auto, et je lui ai expliqué qu’ils ôteraient tout ça et mettraient des médicaments sur ça. Lui, il savait pas quoi faire de ça, il connaissait pas ça, les brûlures. Moi, je m’étais déjà brulé et je connaissais assez ça pur savoir quoi faire. Avec des cloques d’eau, ça brûle moins que si je les avais ôtées.
Le fun, c’était la connaissance que t’acquiert là-dedans, et le sang froid. Il faut que t’apprennes quoi faire au lieu de paniquer.
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[23 septembre 2011]

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